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Interview d'Audrey Gallier, Fondatrice de L'Arrière Boutique

Audrey Gallier est une entrepreneuse passionnée, forte de plus de 10 ans d’expérience dans le retail, l’entrepreneuriat et la stratégie de marque. Elle a cofondé quatre entreprises, dont Sept Cinq, des concept stores parisiens lancés en 2012, mêlant boutique, coffee shop et événementiel, qui ont soutenu de nombreuses marques émergentes. Depuis 2023, elle conseille les entreprises du retail, mêlant missions stratégiques et opérationnelles. En parallèle, elle anime le podcast L’Arrière Boutique, dédié aux coulisses du retail et à l’accompagnement des entrepreneurs.

Après 10 ans d'expertise dans le retail, quels conseils donneriez-vous à un.e commerçant.e qui souhaite ouvrir sa boutique ?

Vous vous apprêtez à vous lancer dans une aventure magnifique. Intense, exigeante, pleine de surprises. Une aventure qui vous fera vivre des montagnes russes. Ouvrir une boutique, ce n’est pas juste un projet pro, c’est un vrai morceau de vie. Alors autant poser tout de suite des fondations solides.

La première chose, c’est de savoir pourquoi vous le faites. Pas juste “par envie” ou “par passion”, mais avec une vraie intention. Une mission, une vision qui vous ressemble. Quand on sait où on veut aller, on affronte beaucoup mieux les imprévus, les doutes, la fatigue. Ce “pourquoi” vous servira de boussole, surtout quand tout s’emballe.

Ensuite, il ne faut surtout pas rester seul·e. L’isolement est un piège dans ce métier. Il est essentiel de s’entourer, de créer du lien avec d’autres commerçants pour échanger sur la vraie vie du terrain, partager des solutions, relativiser. Et au-delà de ce réseau, il faut accepter de ne pas tout porter. Déléguer ce qu’on ne sait pas faire, ou ce qui nous épuise. On ne peut pas tout maîtriser, et ce n’est pas un échec que de se faire aider. C’est une preuve de lucidité.

Et enfin, il ne faut pas avoir peur des chiffres. Une boutique, c’est un lieu d’accueil, de vie, d’échanges... mais c’est aussi une entreprise. Il faut comprendre sa trésorerie, suivre ses indicateurs, poser des objectifs. Être un bon commerçant, c’est aussi être un bon gestionnaire. Et ça s’apprend. Ce n’est pas une question de talent, c’est une question d’attention et d’outils.

Mon denier conseil :  il faut garder à l’esprit que vous n’ouvrez pas pour trois mois. C’est un métier qui demande de l’endurance. Il faut ménager son énergie, garder du temps pour soi, et aussi pour travailler sur son entreprise, pas seulement dans la boutique. La vitrine, les clients, les produits : oui. Mais aussi la stratégie, la communication, l’administratif, la vision. C’est un équilibre à construire.

Comment faire pour que cette boutique fonctionne sur le long terme ?

Il n’existe pas de méthode universelle pour faire durer un commerce. Chaque projet a ses spécificités : son lieu, son histoire, son porteur. Mais s’il y a bien un point que je considère comme essentiel, c’est la relation client — et plus précisément, la connaissance fine de sa clientèle cible.

Vouloir plaire à tout le monde, c’est souvent le meilleur moyen de diluer son message. Dans un monde où chacun essaie de crier plus fort que les autres, ce qui fonctionne, c’est d’être clair : parler à une personne bien définie, avec une offre, un ton, une expérience pensée pour elle. C’est cette clarté qui crée de la cohérence, de la reconnaissance, de la fidélité.

Et c’est aussi ce qui rend le modèle plus durable. Quand on sait pour qui on travaille, toutes les décisions sont plus faciles à prendre : l’assortiment, l’agencement, la manière de communiquer… On évite de s’éparpiller, de courir dans tous les sens, de se brûler les ailes à force d’essayer de faire plaisir à tout le monde. Une bonne stratégie client, c’est une colonne vertébrale. Elle stabilise et elle oriente. Elle donne du souffle.

Enfin, il faut rester souple. Le commerce, c’est vivant. Vos clients vont évoluer, le contexte aussi. Il ne s’agit pas de se réinventer tous les matins, mais de garder l’œil ouvert et de savoir ajuster sans perdre de vue ce qui fait votre singularité.
 

En quoi le choix du bon local commercial est-il déterminant pour assurer le succès d’un tel projet ?

Parce que le local est un levier stratégique à part entière, au même titre que l’offre ou la communication. Il ne suffit pas qu’il soit disponible ou “joli” : il doit porter votre projet, lui donner corps, et l’aider à rencontrer les bonnes personnes.

Il conditionne votre visibilité, votre flux de passage, mais aussi et surtout la qualité de l’expérience que vous proposez. Un bon local, ce n’est pas juste un loyer raisonnable ou une rue connue. C’est un lieu aligné avec votre projet et votre clientèle. Il faut qu’il raconte la même histoire que votre marque, qu’il soutienne ce que vous avez envie de faire vivre.

C’est aussi un point de rencontre fondamental avec votre clientèle cible. C’est là que votre univers va s’incarner, que vos produits vont exister, que les échanges vont avoir lieu. Si ce lieu est mal situé, mal dimensionné ou mal compris, la connexion avec vos client·es peut ne jamais se faire.

Et bien sûr, c’est un enjeu économique fort. Le coût du local, les éventuels travaux, les charges… tout cela doit pouvoir s’intégrer dans un modèle solide et réaliste. Un local trop contraignant peut mettre à mal toute la viabilité du projet, avant même son lancement.

Le bon local ne garantit pas le succès à lui seul, mais il fait une énorme différence. Le bon local, c’est celui qui soutient votre projet au lieu de le compliquer.

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